Comment Rompre les Liens de la Dépendance Affective ?

Les relations amoureuses peuvent parfois être une source d’appréhension et d’insécurité.

Comment peut-on s’en libérer ?

L’Histoire de Sophie.

Sophie, à 32 ans, se retrouve dans une impasse. Elle travaille dans le domaine de la communication et a passé les quatre dernières années enchevêtrées avec Marc, qui la devance de trois ans. Leur liaison a rapidement décliné après leur cohabitation. Sophie est de plus en plus prise par son travail, ce qui est devenu un point de discorde avec Marc, qui ne cesse de lui reprocher ses absences. Il s’est transformé en un critique acerbe, passant sans cesse des jugements sur la jeune femme. Les parents de Sophie ont divorcé quand elle n’avait que six ans et ils ont fait la guerre pendant des années, la laissant avec peu de contacts avec son père. Il a rapidement fondé une nouvelle famille, laissant Sophie se sentir abandonnée. Il a eu une autre fille avec sa nouvelle épouse, la comblant d’affection, éclipsant Sophie, qui a toujours eu l’impression d’être rejetée. Sa relation avec sa mère est profondément fusionnelle, sa mère anxieuse jouant un rôle constant dans la vie de sa fille, consultée pour chaque décision.

Quand elle était jeune, la mère de Sophie faisait toujours les choses à sa place, négligeant de lui apprendre à être autonome. L’insatisfaction règne dans sa relation avec Marc, marquée par des querelles incessantes, mais elle demeure incapable de rompre les liens qui la tourmentent. Son besoin insatiable d’amour demeure insatisfait. Après une altercation violente avec Marc, Sophie décide de chercher de l’aide pour comprendre les forces qui l’empêchent de mettre un terme à une relation qui ne lui convient plus.

L’Art du Choix des Partenaires

En tant qu’adultes, nos choix de partenaires sont souvent profondément enracinés dans les expériences de notre enfance. Notre comportement dans les relations émotionnelles peut en dire long sur notre niveau de sécurité émotionnelle. Les relations amoureuses raniment souvent des éléments de notre passé. Nous pouvons nous retrouver à idéaliser nos partenaires, à refléter ce que nous avons observé chez nos parents, à nous rebeller délibérément contre leurs actions, à succomber à la dépendance ou à craindre l’attachement. Comme nous tous, Sophie a besoin de construire sa propre sécurité émotionnelle, mais elle n’a jamais eu l’occasion de le faire. Son éducation n’a pas fourni de base solide. Les liens émotionnels que nous formons dans l’enfance façonnent considérablement notre sentiment de sécurité. L’attachement, tel qu’il est établi dans la vie d’un enfant, lui permet de se sentir proche de son principal soignant, lui accordant ainsi ce sentiment de sécurité convoité.

Le Sentiment de Sécurité

Ce sentiment de sécurité dépend des liens émotionnels que nous avons tissés dans notre enfance. L’attachement formé pendant l’enfance permet à l’enfant de se sentir proche de son principal soignant, lui offrant ainsi ce sentiment de sécurité tant recherché. Sophie se perçoit comme étant bête et inapte. Elle n’a jamais été encouragée à être autonome ; sa mère la critiquait fréquemment tout en maintenant une relation excessivement fusionnelle. Elle n’a pas eu l’espace nécessaire pour forger son identité et établir ses repères. Les conflits perpétuels entre ses parents ont créé un environnement instable, qu’elle revit maintenant avec son partenaire. L’insécurité qu’elle éprouve aujourd’hui ravive l’insécurité de son passé. L’abandon de son père, sa hâte à former une nouvelle famille, ont laissé un profond vide. Sophie se trouve emprisonnée dans la dépendance émotionnelle, cherchant constamment à combler le vide laissé par son père absent. Elle se sent « remplacée » par son père, qui comble de son amour et de son attention la fille issue de son nouveau mariage.

La Théorie de John Bowlby

« L’attachement est un instinct qui nous pousse tout au long de la vie à avoir besoin d’être entendu, compris et soutenu par une ou plusieurs personnes que nous considérons comme proches », a déclaré John Bowlby. Ce psychiatre britannique et psychanalyste a grandement contribué à la discipline grâce à ses travaux sur les relations mère-enfant et sa théorie de l’attachement. Sa théorie explore les fondements des relations humaines. Bowlby avance que, pour qu’un enfant se développe, il doit forger un lien d’attachement avec au moins un soignant qui réponde régulièrement à ses besoins.

Lorsqu’un bébé arrive dans le monde, il est totalement vulnérable, dépendant de ceux qui l’entourent pour tout. Il se trouve dans un état de totale dépendance. Les liens qu’il tisse avec ses parents posent les bases de sa sécurité intérieure. Si un bébé est nourri lorsqu’il a faim, câliné, et mis au lit à des heures régulières dans un environnement calme, il éprouve régulièrement la satisfaction de ses besoins. Cette expérience lui procure alors un sentiment de sécurité.

On peut comprendre ce concept de sécurité en observant un bébé qui mange. Affamé, il pleure, mais au fur et à mesure qu’il est nourri, il se détend peu à peu. Une fois rassasié, il trouve enfin le réconfort et s’endort. L’enfant fait l’expérience régulière de la satisfaction de ses besoins fondamentaux. La sécurité ressentie en présence de son principal soignant devient alors une ressource interne, favorisant la confiance en soi et l’estime de soi.

Cependant, si ses besoins sont régulièrement ignorés ou satisfaits de manière irrégulière, l’enfant ne peut pas trouver ce sentiment de calme et de sécurité. Selon Bowlby, ce n’est que lorsque ses besoins d’attachement sont comblés que l’enfant peut explorer le monde extérieur en toute sécurité, s’éloignant temporairement de sa figure d’attachement.

La Sécurité Émotionnelle

De nombreux adultes, hommes et femmes, à l’instar de Sophie, éprouvent des difficultés à ressentir une sécurité émotionnelle suffisante. Cependant, cette sécurité revêt une importance capitale, car elle nous offre une base intérieure solide sur laquelle nous pouvons nous appuyer, nous permettant de prendre conscience de nos ressources. Nous avons alors confiance en nos capacités. Entretenir une relation avec une autre personne n’est pas une tâche aisée ; il est essentiel de trouver un équilibre adéquat. Une proximité excessive peut susciter des craintes de dépendance, tandis qu’un éloignement excessif engendre un sentiment d’insécurité.

La sécurité intérieure que Sophie commence à éprouver grâce à sa thérapie, dans une relation stable et rassurante avec sa thérapeute, peut être comparée aux fondations d’une maison. Il est impossible de construire une maison sur un terrain instable et sujet aux inondations. Une structure solide est nécessaire pour ériger une habitation propice à la vie.

Cela s’applique également aux relations amoureuses. Si vous portez des blessures et ressentez un vide intérieur lié à votre histoire personnelle, vous aurez tendance à chercher à combler ce vide à travers vos relations amoureuses. Cependant, ce vide est sans fin, quelle que soit l’amour que vous recevez, il ne parvient pas à le combler. L’amour, ce « ciment » des relations, ne prend pas racine.

Sophie ne peut pas entretenir une relation apaisée avec son partenaire actuel. Son vide intérieur l’a poussée vers un homme qui fait ressurgir les insécurités de son enfance. Sa blessure est constamment ravivée, incapable de se cicatriser.

Les Différentes Formes d’Attachement

Mary Ainsworth, psychologue du développement, a joué un rôle majeur dans la théorie de l’attachement, suivant les traces de John Bowlby. Elle a identifié plusieurs types d’attachement qu’elle a regroupés en trois catégories :

• l’attachement « sécurisé », • l’attachement « anxieux ambivalent », • l’attachement « évitant ».

Qu’est-ce qui distingue un attachement « sécurisé » d’un attachement « insécurisé » ?

Dans un attachement sécurisé, le soignant principal répond de manière appropriée aux besoins de l’enfant. L’enfant n’a pas besoin de faire d’efforts particuliers pour être entendu. Il reçoit de l’affection et de l’attention. La figure d’attachement représente un socle de sécurité pour lui. Il recherche sa proximité lorsqu’elle s’éloigne et se sent rassuré par sa présence à son retour. L’enfant sécurisé peut ainsi affronter le monde extérieur et développer ses compétences.

Dans un attachement anxieux-ambivalent, la réponse du soignant est inadaptée ou incohérente par rapport aux besoins de l’enfant. L’enfant est donc contraint de développer des stratégies d’adaptation et ne parvient pas à se sentir en sécurité.

Dans un attachement évitant, le soignant principal répond très peu, voire pas du tout, aux demandes de l’enfant, ne prenant pas en compte ses besoins émotionnels. Les échanges affectifs sont réduits au strict minimum. L’enfant ne manifeste pas de signes de détresse lorsque sa figure d’attachement est absente et ne trouve pas de réconfort à son retour, car il associe l’attachement à la menace.

À travers un travail thérapeutique, la régularité et la sécurité offertes par le thérapeute permettent au patient d’expérimenter un attachement sécurisé et d’acquérir progressivement un sentiment de sécurité intérieure.

Naviguer dans les Relations

Les adultes ayant connu un attachement sécurisé ont tendance à avoir confiance en leur partenaire et à se sentir à l’aise avec l’intimité. Ils peuvent être authentiques, exprimer leurs émotions et leurs sentiments. Ils sont en mesure de reconnaître et d’exprimer ce qui ne va pas, de gérer les conflits et de trouver des solutions pour faire face à des situations difficiles.

En revanche, les adultes comme Sophie, ayant développé un attachement anxieux, portent des demandes émotionnelles impossibles à satisfaire pour leur partenaire. Ils sont terrifiés à l’idée d’être abandonnés et remettent constamment en question les sentiments de leur partenaire, luttant pour faire confiance. Un événement mineur peut remettre toute la relation en question.

Les adultes avec un attachement évitant rejettent l’attachement émotionnel et abhorrent la dépendance affective. Ils maintiennent une distance physique et/ou psychologique et utilisent des mécanismes de défense pour réprimer les émotions qui leur sont trop douloureuses. Ils se protègent des expériences susceptibles de déclencher une détresse émotionnelle. Entretenir une relation avec de telles personnes est extrêmement compliqué, car elles font tout en leur pouvoir pour éliminer tout lien émotionnel.

Exercices pour la Guérison

Cet exercice peut vous aider à faire face à votre peur de l’abandon et à établir un dialogue avec votre enfant intérieur.

Prenez un moment seul, de préférence tôt le matin ou le soir. Repensez à vous lorsque vous étiez enfant et rappelez-vous de vos peurs. Mettez-vous à la place de cet enfant et rédigez une lettre d’une dizaine de lignes à votre moi actuel, décrivant vos peurs. Poursuivez ensuite la lettre en demandant à cet enfant d’énumérer ses peurs (peur de l’abandon, de la solitude, de l’itinérance, de ne pas être aimé, de vivre seul, etc.). Signez cette lettre en tant qu’enfant et placez-la dans une enveloppe adressée à vous-même. Lisez cette lettre deux jours plus tard, en tant qu’adulte recevant une lettre d’un enfant. Prenez une feuille et répondez en tant qu’adulte à cet enfant qui vous a confié ses peurs. Faites-lui savoir que vous comprenez ses peurs et sa souffrance, et que vous êtes là pour le prendre en charge et l’aider à se sentir mieux. Lisez cette lettre deux jours plus tard, en tant qu’enfant recevant une réponse d’un adulte. Visualisez-vous en train de porter cet enfant sur vos épaules chaque fois que vous ressentez la peur de l’abandon. C’est un moyen d’apprendre à cet enfant qu’il a un adulte à ses côtés sur lequel il peut compter, une source de ressources.

« Certains fuyards sauvent leur vie : devant un serpent, un tigre, un tueur. D’autres fuites coûtent cher : fuir devant soi-même. »