Hypersensibilité femme

Exploration des Sensibilités : Sonder les Esprits Hypersensibles

 

Pendant une durée considérable, l’énigmatique concept d’hypersensibilité a été sujet à mécompréhension, sous-estimation, voire dénigrement. Or, de nos jours, cette qualité émergeante s’élève comme une thématique centrale au sein de notre société. Alors que le monde s’embrase, cette hypersensibilité gagne en importance. Mais peut-on la considérer comme une réalité tangible ou s’agit-il d’un abus de langage ?

Lors de la plus récente cérémonie des César, qui eut lieu le 24 février, l’acteur Alex Lutz a suscité des éclats de rire parmi l’assemblée étoilée en révélant qu’il avait été « diagnostiqué hypersensible ». Tout en ajoutant une pointe d’ironie, il a expliqué que cela allait au-delà de l’hypersensibilité, en plaisantant sur le fait qu’il n’était pas simplement classé comme ayant un potentiel intellectuel élevé (profil HPI), considérant cela comme trop simpliste. Il préférait plutôt se définir par un esprit haut niveau (profil HLM)…

Ce trait d’esprit médiatique se moque ainsi des individus devenus « hype » (dotés, sensibles, actifs…) et qui ont acquis une certaine « tendance » au sein de notre société axée sur la performance, une société qui apprécie autant les superlatifs que les catégorisations pour classer les personnes qui sortent des normes, comme les individus à haut potentiel intellectuel (HPI), les personnes à haute sensibilité (HSP), les personnes à haut potentiel émotionnel (HPE), et autres.

 

L’impact des tendances

 

C’est grâce au succès retentissant de « Ces gens qui ont peur d’avoir peur, mieux comprendre l’hypersensibilité », un best-seller publié au début des années 2000 par la psychologue et chercheuse américaine Elaine Aron, que le terme « hypersensibilité » ou plus précisément « sensibilité élevée » (afin d’éviter les connotations négatives liées à l’excès ou à la performance) a émergé de l’obscurité pour gagner en popularité. Depuis lors, ce concept n’a cessé de gagner en reconnaissance et de s’ancrer dans l’imaginaire collectif. Selon les recherches de cette scientifique, environ 20 à 25 % de la population pourrait être dotée (ou pourrait en être victime ?) d’une réceptivité ou d’une réactivité supérieure à la moyenne en ce qui concerne les stimuli environnementaux, qu’ils soient sensoriels ou émotionnels : les bruits, les lumières, les odeurs, ainsi que les atmosphères négatives, les états d’âme ou la détresse d’autrui… Une forme de souffrance authentique, pouvant conduire à l’isolement, à la marginalisation et même au handicap, mais pouvant également représenter une richesse, si apprivoisée, selon les propos de la psychologue.

 

Près de trois décennies plus tard, les publications sur ce thème affluent dans les librairies et sur Internet, tout comme les associations, les formateurs spécialisés et les évaluations d’autodiagnostic en ligne… Les « hypersensibles », désignés comme étant « à fleur de peau », « empathiques », « intuitifs » ou « créatifs », arborent désormais avec fierté leur identité. En 2021, le philosophe Fabrice Midal lui a dédié un ouvrage intitulé « Suis-je hypersensible ? Enquête sur un pouvoir méconnu » (Flammarion/Versilio). La même année, l’acteur Maurice Barthélémy a cosigné son propre livre, « Fort comme un hypersensible » (Michel Lafon), en collaboration avec la psychopraticienne et coach Charlotte Wills. Les personnalités publiques se dévoilent également dans la presse : Marion Cotillard, Claire Keim, Léa Seydoux, Bruno Solo, Faustine Bollaert… Tous revendiquent leur hypersensibilité.

 

L’impact de la société

 

Assistons-nous à une réaction épidermique généralisée face à un environnement de plus en plus agressif ? « Il est concevable que, dans une société sous pression et portée à la catastrophisme, la sensibilité puisse s’accroître », observe Pascale Michelon, docteure en neurosciences, spécialiste thérapeute de l’identification et de l’accompagnement des individus à haut potentiel intellectuel et des hypersensibles, autrice de « Au cœur des cerveaux hauts potentiels et hypersensibles » (Leduc, 2022). Néanmoins, à ce jour, aucune donnée scientifique ne permet de l’affirmer catégoriquement. Mesurer la sensibilité se révèle complexe. Pour la sensibilité émotionnelle, seules des évaluations subjectives sont accessibles. En ce qui concerne la sensibilité sensorielle, les données indiquent que certaines personnes possèdent des seuils sensoriels inférieurs et réagissent plus promptement à des stimulations légères. Cette aptitude, partagée avec de nombreuses espèces animales, peut se montrer hautement bénéfique pour détecter les dangers et les opportunités. Dans les deux cas, ces éléments, tout comme la majorité des données en psychologie, ne mettent pas en lumière un groupe à part, mais illustrent une courbe de Gauss représentant une gradation dans un continuum. Cette courbe présente une moyenne (les individus « sensibles »), un faible pourcentage d’environ 25 % à une extrémité (les « très sensibles ») et un petit pourcentage à l’autre extrémité (les « moins sensibles »). Cette courbe ne varie pas en fonction du contexte. Certes, la violence et les aspérités de notre société peuvent aiguiser notre sensibilité et nous rendre plus vulnérables, mais les ultrasensibles resteront simplement « ultras » sensibles, sans nécessairement être plus nombreux. « Ce qui a changé, se réjouit Pascale Michelon, c’est la prise de conscience accrue de l’hypersensibilité, sa visibilité. Il semblerait qu’un nombre croissant d’individus soient conscients de leurs émotions et fassent preuve d’une plus grande sensorialité face à leur environnement, préfigurant ainsi un monde plus humain. »

 

Une opportunité pour la sensibilité

 

« Assistons-nous à une renaissance du ressenti ? », s’interroge la professeure de littérature contemporaine et critique littéraire Évelyne Grossman, qui démontre dans son ouvrage « Éloge de l’hypersensible » (Les Éditions de Minuit, 2017), à l’appui de preuves artistiques, que oui. « Le véritable changement social, plus significatif encore que l’obtention d’un droit mixte au ressenti, réside dans l’apprentissage du ressenti même », décrit-elle. Dans la littérature et l’art contemporains, certaines œuvres élargissent notre perception en repoussant les limites du tolérable. » Elle nous rappelle ainsi l’œuvre de Miriam Cahn, exposée en mars dernier au Palais de Tokyo à Paris, où l’artiste cherchait à représenter la violence des guerres, notamment en Ukraine. Cette démarche a suscité des protestations indignées chez certains… « L’hypersensibilité », souligne Évelyne Grossman, « met en lumière la puissance des sensations, de l’émerveillement. Tout découle en réalité de la sensibilité. Celle-ci sert de passerelle vers la pensée et toute forme de créativité. »

Et si la sensibilité renforçait notre intelligence ? Comme le répète depuis des années le psychanalyste Saverio Tomasella, un autre pionnier dans la défense et la mise en valeur de l’hypersensibilité, auteur notamment de « Hypersensibles, trop sensibles pour être heureux ? » (Eyrolles, « Poche », 2022). Plutôt qu’une marque de fragilité, il s’agit davantage d’une perspective alternative pour appréhender le monde. Un véritable atout dans un univers froid et calculateur, qui semble se détacher de l’incarnation. « Pas seulement l’hypersensibilité », insiste-t-il, « mais toutes nos formes de sensibilité. Quelle que soit leur intensité, il est bénéfique d’être sensible. La sensibilité prépare le terrain pour l’avenir de notre monde ! »

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